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Voici un recueil d'extraits de Séquences de vie cachée, oeuvre conjointe de Jean-Marc Rufiange et Francine Dupras. Ces extraits ont soutenu notre méditation tout au long de l'Avent 2014. Bonne lecture!
Mariam pense à son père David. Elle pense à Betsabée (bet-sheba), fille de la « promesse », et à sa cousine Élisabeth (eli-sheba), « promesse » de Élohim.
Elle pense ainsi à la promesse faite à David, père de sa lignée.
Oui, ma maison est stable auprès de Dieu : il a fait avec moi une alliance éternelle, réglée en tout et bien assurée ; ne fait-il pas germer tout mon salut et tout mon plaisir.
2 Sam 23, 5
La promesse, c’est une maison. David voulait bâtir une maison pour Yahvé, mais c’est Yahvé qui lui bâtit une maison, et cette maison, c’est une descendance.
Quand le roi David habita sa maison et que Yahvé l’eut débarrassé de tous les ennemis qui l’entouraient, le roi dit au prophète Nathan : « Vois donc ! J’habite dans une maison de cèdre et l’arche de Dieu habite sous la tente ! » Nathan répondit au roi : « Va et fais tout ce qui te tient à coeur, car Yahvé est avec toi. »
Mais, cette même nuit, la parole de Yahvé fut adressée à Nathan en ces termes :
« Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé : Est-ce toi qui me construiras une maison pour que j’y habite ? Je n’ai jamais habité de maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Égypte les Israélites jusqu’à aujourd’hui, mais j’étais en camp volant sous une tente et un abri. Pendant tout le temps où j’ai voyagé avec tous les Israélites, ai-je dit à un seul des Juges d’Israël, que j’avais institués comme pasteurs de mon peuple Israël : ‘Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une maison de cèdre?’
Voici maintenant ce que tu diras à mon serviteur David : Ainsi parle Yahvé Sabaot : C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour être chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu allais; j’ai supprimé devant toi tous tes ennemis. Je te donnerai un grand nom comme le nom des plus grands de la terre. Je fixerai un lieu à mon peuple Israël, je l’y planterai, il demeurera en cette place, il ne sera plus ballotté et les méchants ne continueront pas à l’opprimer comme auparavant, depuis le temps où j’instituais des juges sur mon peuple Israël; je te débarrasserai de tous tes ennemis.
Yahvé t’annonce qu’il te fera une maison. Et quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, je maintiendrai après toi le lignage issu de tes entrailles (et j’affermirai sa royauté. C’est lui qui construira une maison pour mon Nom) et j’affermirai pour toujours son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils; s’il commet le mal, je le châtierai avec une verge d’homme et par les coups que donnent les humains. Mais ma faveur ne lui sera pas retirée, comme je l’ai retirée à Saül, que j’ai écarté de devant toi. Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais. »
Nathan communiqua à David toutes ces paroles et cette révélation.
2 Samuel 7, 1-17
Salomon a pourtant fait bâtir une demeure à son Seigneur, un temple magnifique à la gloire de son Dieu.
Mais, où sont les gloires de Salomon?
Ce temple a été détruit. Tout ce qui vient des hommes peut être détruit.
Et en ces temps même, Hérode, dans tout son orgueil, en construit un nouveau. Mais quelle sera cette maison? Sera-t-elle éternelle? Comment peut-elle être éternelle, bâtie sur le sable mou de l’orgueil du faux roi de son peuple.
Qu’est-il advenu de la lignée de David? Mariam sait qu’ici même à Nazareth se retrouve la plupart de ce petit reste. Elle sait que les Juifs regardent avec dérision cette pauvre maison de David. La maison de David est nazir, elle est cachée aux yeux du monde.
L’orgueil d’Hérode passera mais la promesse de Yahvé à David sera réalisée un jour.
Oui, l’espoir de l’impie est comme la bale emportée par le vent, comme l’écume légère chassée par la tempête ; il se dissipe comme fumée au vent, il passe comme le souvenir de l’hôte d’un jour.
Mais les justes vivent à jamais, leur récompense est auprès du Seigneur, et le Très-Haut a souci d’eux. Aussi recevront-ils la couronne royale magnifique et le diadème de beauté, de la main du Seigneur ; car de sa droite il les protégera, et de son bras, comme d’un bouclier, il les couvrira.
Pour armure, il prendra son ardeur jalouse, il armera la création pour repousser ses ennemis ; pour cuirasse il revêtira la justice, il mettra pour casque un jugement sans feinte, il prendra pour bouclier la sainteté invincible ; de sa colère inexorable il fera une épée tranchante, et l’univers ira au combat avec lui contre les insensés.
Sg 5, 14-20
Nazareth est la demeure de cette couronne royale!
« Mon Dieu, rétablis ton royaume et reconduis tes oeuvres », ainsi s’élève la prière de Mariam. Elle pense à Samuel:
Il retire de la poussière le faible,
du fumier il relève le pauvre,
pour les faire asseoir avec les nobles
et leur assigner un siège d’honneur;
car à Yahvé sont les piliers de la terre,
sur eux il a posé le monde.
1 Sam 2,8
Et Mariam pense à Iosseph, son promis. Celui que son coeur aime.
Les mots du Chant des chants montent à ses lèvres. Son amour de Yahvé et son amour de Iosseph se mêlent et s’adjoignent.
Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche dès l’aube! …
Sur ma couche, la nuit, j’ai cherché
celui que mon cœur aime.
Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé ! (Ct 3, 1)
Car il court sur les voies de Dieu!
Je me suis levée
pour ouvrir à mon bien-aimé,
et de mes mains a dégoutté la myrrhe,
de mes doigts la myrrhe vierge,
sur la poignée du verrou. (Ct 5, 5)
J’ai ouvert à mon bien-aimé,
mais tournant le dos, il avait disparu !
Sa fuite m’a fait rendre l’âme.
Je l’ai cherché, mais ne l’ai point trouvé,
je l’ai appelé, mais il n’a pas répondu ! (Ct 5, 6)
Il court sur les voies de Dieu!
Où est parti ton bien-aimé,
ô la plus belle des femmes ?
Où s’est tourné ton bien-aimé,
que nous le cherchions avec toi ? (Ct 6, 1)
Mon bien-aimé est descendu à son jardin,
aux parterres embaumés,
pour paître son troupeau dans les jardins,
et pour cueillir des lis. (Ct 6, 2)
Est-il descendu dans le jardin de Yahvé-Élohim?
Au jardin, déchu, Adam a reçu sa condamnation. À la femme Yahvé-Élohim a dit: «Tu porteras ton désir sur ton homme et lui dominera sur toi!» (Gn 3, 16).
Or Mariam ne porte pas son désir sur Iosseph et lui ne domine pas sur elle.
Je suis à mon bien-aimé,
et mon bien-aimé est à moi ! (Ct 7, 11)
Mais nous ne nous appartenons pas, pense Mariam. Nous appartenons à Yahvé-Élohim!
Comme dans le Chant des chants, la clé du désir est au commencement quand Élohim créa l’humanité, homme et femme:
Je suis à mon bien-aimé,
et vers moi se porte son désir. (Ct 7, 11)
Le désir de Iosseph, son bien-aimé, c’est Yahvé. Il ne veut que servir Yahvé et le servir en elle, son amie.
Il ne veut pas la connaître. Mariam le sait. Elle sait que Iosseph a fait sienne cette autre parole du Chant des chants:
Elle est un jardin bien clos,
ma soeur, ô fiancée ;
un jardin bien clos,
une source scellée. (Ct 4, 12)
Et elle, la fiancée, ne porte pas son désir sur son promis.
Iosseph a raconté à Mariam les longues courses exaltées qu’il faisait dans la campagne, tôt le matin aussi. Elle aime le voir courir, exalté par son amour indicible de Dieu.
Fuis, mon bien-aimé,
Sois semblable à une gazelle,
à un jeune faon,
sur les montagnes embaumées ! (Ct 8, 14)
Mon bien-aimé est libre et doit le rester, pense-t-elle.
Puis Mariam reprend le chemin de sa demeure avec sa jarre d’eau fraîche.
Qu’est-ce que Dieu attend de nous? Qu’adviendra-t-il quand nous prendrons maison?
Ah ! que ne m’es-tu un frère,
allaité au sein de ma mère !
Te rencontrant dehors,
je pourrais t’embrasser,
sans que les gens me méprisent.
Je te conduirais, je t’introduirais
dans la maison de ma mère, tu m’enseignerais !
Je te ferais boire un vin parfumé,
ma liqueur de grenades. (Ct 8, 1-2)
Son bras gauche est sous ma tête,
et sa droite m’étreint. (Ct 8, 3)
Je vous en conjure,
filles de Jérusalem,
n’éveillez pas, ne réveillez pas mon amour,
avant l’heure de son bon plaisir. (Ct 8, 4)
Toute absorbée dans ces pensées, Mariam rentre chez elle et dépose sa jarre d’eau dans la pièce taillée dans le roc où elle restera au frais.
Et soudain, il y a une présence. Un envoyé de Dieu. C’est Gabriel. Il entre et lui dit
« Schalôm, réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation.
Et l’ange lui dit: « Sois sans crainte, Mariam; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Ieschoua. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin. »
Mais Mariam dit à l’ange: « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme? » L’ange lui répondit: « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisheba, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu’on appelait la stérile; car rien n’est impossible à Dieu. »
Mariam dit alors: « Je suis la servante du Seigneur; qu’il m’advienne selon ta parole! » Et l’ange la quitta.
Luc 1, 28-38
Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds empressés de Mariam se rendant auprès de sa cousine Élishéba et de son époux Zekariah. Heureuse es-tu, Ein Kerem, petite ville de Juda! Voici venir vers toi celle qui porte l’Enfant de la Promesse, la Bien-aimée.
Iossef au réveil
Après avoir terminé ses travaux de la journée, Iossef s’empresse d’aller saluer Mariam qui habite la maison que lui ont laissée ses parents déjà décédés.
À chacune de ses visites, Iossef éprouve le même bonheur. Mariam l’accueille à sa manière, lumineuse et cordiale. Mais, ce soir-là, il y a dans son regard une profondeur nouvelle qui met aussitôt Iossef dans l’expectative. Il ne peut cependant pas se douter de ce qu’elle va lui apprendre. Comment le pourrait-il?
Un ange a visité Mariam à l’aube…
En peu de mots, la fiancée a tout dit à son fiancé. Après cette Annonce, Iossef ne peut retourner chez lui. Il lui faut marcher, sortir de la ville.
On dira : « La fille de Iehoiakim et Hannah est enceinte avant qu’elle et son fiancé aient habité ensemble ! » Iossef sait comment la foule réagit dans de telles circonstances et le sort qui sera réservé à Mariam. Il n’est pas difficile d’imaginer les pensées malignes, les comportements mesquins, les regards méprisants et les railleries grossières dont Mariam sera affligée.
Marchant toujours, Iossef traverse les champs, le petit ruisseau qui coule dans un ravin.
Les passions des uns et des autres se déchaîneront, il en est convaincu. Le scandale sera d’autant plus grand qu’il touche la maison et la lignée de David. Les faux témoignages afflueront, Mariam ayant toujours été convoitée, jalousée, plus ou moins ouvertement. Puis la vindicte de la populace déferlera sur elle, implacable, pour la mener jusqu’au châtiment ultime et public infligé à la femme adultère.
Portant son fardeau d’anxiété, Iossef atteint enfin les sommets verdoyants d’où l’on peut contempler Nazareth, toute blanche. C’est là, sur l’une de ces collines où il aime à se retirer, qu’il veut passer la nuit, priant.
- IHVH-Adonaï, que puis-je faire?
Bouleversé, Iossef scrute les cieux, s’attendant à découvrir les signes d’un orage prochain
qui ferait écho à ses alarmes. Aucun nuage, pourtant, ne monte à l’horizon.
Alors il s’immerge dans sa mémoire, là où les rouleaux des Écritures sont toujours ouverts, y cherchant, confiant, la parole de bon conseil. Comment épargner à Mariam les cruels outrages et la fatale sentence?
Il se souvient de la chaste Shoshana, accusée injustement d’adultère. IHVH-Adonaï n’a-t-il pas inspiré au jeune Daniel sa défense? Si on ne pouvait condamner alors une fille d’Israël sans enquête et sans évidence, peut-on laisser diffamer en son temps la fille de David, la très chaste Mariam?
Et puis Iossef sait que la folie meurtrière dirigée contre Mariam ne s’abattra pas seulement sur elle. Une vive angoisse l’étreint quand il pense à l’enfant. Il prévoit déjà l’insinuation retorse et malveillante des faux docteurs, infanticides dès l’origine. Ayant été conçu dans la faute, cet enfant n’est-il pas voué à la mort lui aussi, comme le premier fils adultérin de David et Betsheba?
- YHVH-Adonaï, s’il meurt, je ferai le deuil de cet enfant unique. Je pleurerai sur l’innocent, comme on pleure sur un premier-né, promet Iossef.
Puis il retombe silencieux, le cœur battant, comme s’il venait d’être soulevé par une vague immense. Son amour pour Mariam s’amplifie, s’élargit, devient indicible lorsqu’il y joint celui, naissant, qu’il ressent pour l’enfant.
- Viens vite, réponds-moi, YHVH-Adonaï. Fais que je sache la route à suivre.
Le soleil s’est couché, le ciel rougeoyant encore. Les ténèbres envahissent les rues de Nazareth qu’on ne discerne plus qu’à peine. Alors Iossef s’assit sous un olivier. Toujours aux aguets d’un signe, d’une réponse. Réfléchissant.
Mariam est enceinte avant qu’ils aient habité ensemble, soit. Selon la loi, il doit la répudier puisqu’il ne l’a pas connue. Mais s’il la répudie, l’enfant qu’elle porte sera certainement invoqué contre elle comme preuve incontestable d’adultère. À Nazareth, comme partout en Israël, on sait si bien manipuler la Loi sous le couvert d’un procès. On ira probablement jusqu’à le prendre à témoin, lui, « le juste », pour mieux l’accabler, elle, « la coupable » !
Un feu brûle en lui à cette pensée, un zèle jaloux. Quand il évoque sa fiancée, il ne lui vient que les mots du Chant des chants : « Comme un lis entre les épines, telle est ma compagne. Elle est toute belle, et de défaut, il n’en est pas en elle ». Qui serait en droit de lui lancer ne serait-ce qu’une seule pierre ? Comment oser même la soupçonner!
Que sa fiancée soit enceinte, cela le dépasse, mais pourquoi douterait-il, tout en elle n’est que fraîcheur. Et puis, IHVH-Adonaï a déjà fait tant de merveilles ! Sara, l’épouse d’Abrahâm, Rivqa, l’épouse d’Itsaq, et Rahél, l’épouse de Ia‘acob, ont toutes enfanté dans des circonstances extraordinaires. Elles ne sont pas les seules. Même Élishéba, l’épouse de Zekariah, cette cousine que Mariam veut aller visiter au plus tôt, ne l’appelait-on pas « la stérile »?
- C’est toi, IHVH-Adonaï, qui, au commencement, a fécondé la terre. C’est toi encore qui es à l’origine de la postérité de la maison de David. Il n’est pas en mon pouvoir de pénétrer tes desseins, mais n’est-ce pas à moi de veiller sur Mariam, la fille de David, et sur l’enfant que tu lui as donné?
Puis Iossef se souvient avec crainte de Sara, fille de Re‘ouél, accusée d’être la cause de la mort de ses prétendants alors que c’était IHVH-Adonaï qui la préservait pour le jour où Tobiah deviendrait son époux.
- Suis-je, moi, Iossef, l’Elem que tu as choisi pour Mariam, comme Tobiah l’était pour Sara?
La nuit se fait plus profonde et froide, mais Iossef ne tremble pas. Il se tient là, calme et silencieux, abandonné comme l’argile entre les mains du potier. Les créatures nocturnes elles-mêmes semblent se taire, comme en attente.
Enfin, le cœur à nu, Iossef achève sa prière à haute voix :
- Me voici devant toi, YHVH-Adonaï. Éveille en moi l’esprit saint.
Une heure passe. Iossef veille toujours. Muet, il espère. Puis, comme sous l’effet d’une brise légère, la solution lui parvient, simple et limpide.
Le secret…Délier sa fiancée mais en secret.
S’il prend Mariam avec lui sans tarder, il n’y aura plus aucune raison de supputer, de médire ou de déblatérer sur le fait qu’elle va enfanter.
La délier en secret, c’est en même temps se lier à elle, librement, épouser sa destinée, sans recourir à quelque mensonge ou subterfuge. Il continuera de lui être fidèle, sans jamais la connaître, comme ils en avaient partagé l’intention, elle et lui, dès le temps des promesses. IHVH-Adonaï déterminera son dessein à son Heure et, l’heure venue, quel que soit ce dessein, il obéira.
Une grande paix l’envahit. Oui, il est juste de délier Mariam en secret. Et Iossef s’endort, rasséréné.
Alors seulement, comme si IHVH-Adonaï avait attendu pour lui répondre qu’il ait pris sa résolution et révélé son coeur, l’Ange vient :
- Iossef, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Mariam, ton épouse: car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Ieschoua: car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
L’Ange dit à Iossef: « Sois avec Mariam, sois une seule chair avec elle », confirmant les noces virginales, uniques et indissolubles, attendues depuis le commencement du monde. Illuminé par la visitation angélique, Iossef sait désormais que Mariam peut dire, comme Hava la mère des vivants: « J’ai eu un fils avec IHVH-Adonaï», et que lui-même le peut aussi. Car Yahvé, par la voix de l’Ange, vient de sceller les épousailles de Iossef, le fils de David, avec Mariam, la nubile enceinte prophétisée par Isaïe, et de leur donner part à son unique Paternité.
Telle fut l’Annonce faite à Iossef dans le secret d’un songe…
Iossef ouvre les yeux. Il se redresse aussitôt dans la position où il s’est assoupi, adossé au tronc d’un olivier. Puis il se lève, il se hâte! Quittant père et mère, il va rejoindre son épouse pour s’attacher à elle et être le père de Ieschoua, sauveur de son peuple.
Le voici qui frappe à la porte, au petit matin, le coeur réjoui, l’âme jubilante: « Ouvre-moi, ma soeur, mon amie, ma colombe, ma parfaite ! Car ma tête est couverte de rosée, mes boucles, des gouttes de la nuit. »
Mariam ouvre. Un sourire fleurit sur ses lèvres quand elle l’aperçoit.
- Entre, Iossef, dit-elle simplement.
Au moment de franchir le seuil, Iossef se souvient de la parole adressée à son ancêtre David : «IHVH-Adonaï te bâtira lui-même une maison». Jusqu’ici, jusqu’à cette heure, il a vécu comme en exil et sous la tente, tourné vers l’accomplissement de cette promesse. Ici et à cette Heure, il comprend. La maison de David, la maison que IHVH-Adonaï lui a préparée, c’est la maison de Mariam.
- Schalôm ! Paix à cette maison !
Puis Iossef suit Mariam portant Ieschoua, à l’intérieur.
Marche vers Beit Lèchèm
La traversée de Jérusalem a été épuisante. Une étrange chaleur s’appesantit sur le pays. La poussière remplit les rues bruyantes et encombrées d’une foule lourde et nerveuse. Les chariots menacent d’écraser les piétons à chaque tournant. L’eau est rare.
Iossef ne peut s’empêcher de penser qu’une malédiction pèse sur ce temps. César a commandé le recensement du monde en son entier. Cela montre bien son impiété. À qui appartient le monde en son entier sinon à Dieu seul? Quel monstrueux orgueil peut commander à un homme, si puissant soit-il, de passer le plomb et le cordeau sur la terre et les cieux? Qui peut «encompasser» l’infini?
Les juifs connaissant la Torah savent bien l’histoire du recensement d’Israël ordonné par David lorsqu’il était au sommet de sa propre et éphémère gloire. Et cela lui coûta bien des larmes et la mort de soixante-dix mille hommes. Tous les juifs pieux savent que recenser les peuples est une prérogative de la souveraineté de Dieu. César s’arroge ce droit et cette puissance, et cela ne peut qu’engendrer l’affliction, se dit Iossef, qui songe aux trois malheurs proposés à David en punition de sa faute.
Est-ce que César, ou son maître, dans tout ce branle-bas, n’essaie pas de jauger l’état des avancées de Dieu lui-même en ses voies? Cherche-t-il à prendre le contrôle de l’événement à venir? Croit-il pouvoir ainsi empêcher le rétablissement de la royauté de David et, finalement, le triomphe de la volonté de salut de Dieu?
Beaucoup de juifs ont décidé, comme Iossef, de profiter d’un pèlerinage à Jérusalem lors de la fête des Soukkot, la fête des « huttes », pour obéir, à leur corps défendant, à l’édit de César. Iossef voit ce pèlerinage comme une façon de réparer l’injure de César à l’égard de la souveraineté d’Elohim. Pour Mariam et lui, les offrandes traditionnelles des Soukkot seront remplacées par l’offrande de ce voyage, que les circonstances rendent particulièrement exigeant.
L’atmosphère fébrile et gluante qui émane de la Ville sainte renforce le sentiment d’oppression éprouvé par Iossef, qui se préoccupe de son épouse dont la grossesse est fort avancée. Il jette un regard attentif à Mariam, assise sur l’âne. Cet âne est fort costaud et ne connaît pas la démarche habituelle de ces bêtes, il semble plutôt glisser doucement sur le chemin, sans ces à-coups typiques que ses congénères causent à chaque pas. Mariam est étonnamment sereine. À chaque fois que Iossef la regarde, les inquiétudes qui l’assaillent disparaissent, comme noyées dans une mer de douceur et de force. Qu’elle est belle ainsi, telle une vigne plantureuse, porteuse du fruit de la promesse ! On dirait une reine parée de ses plus précieux atours.
ls sont arrivés à Jérusalem pendant Soukkot et pourraient participer aux réjouissances traditionnelles. Mais le coeur de Iossef n’y est pas. Au Temple, la prière est absente, et ses parvis grouillent de vendeurs en cette fête devenue presque païenne. Les offrandes des quatre espèces : fruits, rameaux de palmier, branches d’arbres touffus et de gattiliers, abondent, mais on dirait que les dieux de Babylone se sont substitués à l’Éternel pour les recevoir, tellement règne la confusion.
Iossef et Mariam décident de partir dès le lendemain pour Beit Lèchèm (Bethléem). Ils partent de très bon matin. Iossef marche au pas de l’âne, silencieux, alors que Mariam semble plus que sereine. Son visage resplendit, mais comme d’un autre monde, d’une splendeur que seul Iossef semble en mesure de percevoir.
Beit Lèchèm enfin. Le soleil est encore plus implacable aujourd’hui, son apparence même, tel un globe d’or, pèse de tout son poids sur cette humanité effrénée et moite.
Iossef sent comme une vibration dans l’air, une effervescence, et toujours cette angoisse sourde, et il regarde à nouveau Mariam son épouse. Encore une fois, une paix profonde l’envahit. Elle est tellement radieuse que Iossef se demande si elle n’absorbe pas la puissance du soleil dans son corps. Des passants jettent un regard furtif vers elle et certains semblent étonnés par le spectacle singulier composé par cette femme extraordinaire et cet âne étrangement paisible. Un vieillard, à un moment, croise le regard de Iossef et lui sourit.
Les formalités du recensement accomplies, Iossef se met à la recherche d’un abri, car le soir tombe lentement. Mais il n’y a plus de place nulle part.
Il faut pourtant trouver gîte et couvert. Après avoir passé la nuit dans les cours des caravansérails tout au long de leur parcours, Iossef hésite désormais à envisager une telle solution, car Mariam est prête d’enfanter. Le brouhaha de ces lieux de rassemblement, les regards furtifs, les conversations superficielles ou les récriminations contre l’envahisseur, toute cette promiscuité, ne conviennent pas à l’événement qui s’en vient. Mais personne n’est prêt à fournir à Iossef ce qu’il désire: un endroit intime pour le repos de son épouse dans la condition qui est la sienne.
C’est dans la cour de l’un de ces lieux que Iossef remarque soudain, en appentis, une belle Soukka, fraîchement aménagée, parfaitement propre, et pourtant apparemment abandonnée. Personne ne sait qui l’a construite et personne ne la réclame. Un seul occupant cependant: un énorme boeuf attaché près de sa mangeoire.
Il y règne une certaine fraîcheur malgré le soleil d’or à l’extérieur. Avec du foin et de la paille et leurs couvertures, et quelques ajustements rapides, Iossef en fait un logis fort confortable. Sa tâche terminée, il ne peut que sourire en constatant que, de tout leur voyage, c’est l’endroit où ils auront été le mieux installés et que, de surcroît, ils pourront ainsi remplir la prescription de Moïse pour la fête des Soukkot: « vous habiterez sous des huttes ». Les voies de Dieu sont vraiment surprenantes!
Après s’être assuré que Mariam était bien à son aise, Iossef attache l’âne près du boeuf, puis il s’installe à son tour au côté de son épouse, pour la soutenir et l’assister en cas de besoin.
Quelle étrange aventure. Les voici dans cette soukka dont ils apprécient la fraîcheur reposante et douce, en la paisible compagnie de ces deux belles bêtes. Et Iossef se sent ici chez lui. Dieu leur a préparé ce lieu, cette maison. Quel mystère…
« Beth », la première lettre du Sepher Bereshit, c’est la « maison », le lieu de la création, le lieu de tout. Et ils se retrouvent, Mariam et lui son époux, à la veille de l’Enfantement, justement à Beth-Lehem, « maison-du-pain », la maison de David.
Les grands champs de blé de Beit Lèchèm, ce matin, semblaient gorgés de ce soleil puissant et unique. Que sera le pain de ces grains? Serait-ce le pain de l’offrande véritable que Moïse désirait pour le Seigneur? Beit Lèchèm n’est-elle pas la Maison du Pain… Est-ce que Mariam, aussi gavée de ce soleil miraculeux, porte le Pain qui nourrira Israël relevé?
Le coeur et l’esprit tournés vers l’Avènement tout proche, Iossef ferme les yeux. Il écoute. Le souffle de Mariam parvient à son oreille et remplit le silence de sa tranquillité. Auprès d’elle, Iossef sommeille enfin, toujours vigilant.
Nous sommes le 19 tishrei, l’avant-dernier des jours Chol Ha-moed Soukkot de l’an 3755 après la création du monde.
Visionnez le Making of !
Les Séquences de vie cachée ont inspirées des artistes en herbes! Grâces à eux, et à Madame Ginette Légaré, artiste peintre, nous avons pu enjoliver nos journées de l'Avent.
Pour en savoir plus sur les Séquences de vie cachée et sur les auteurs, accéder au site Tendances et Enjeu.
Mariam à l’aube
L’aube se lève à nouveau ce matin-là sur la petite ville de Nazareth. Mariam est déjà levée et se tient assise près de la fontaine où elle vient tous les matins pour puiser l’eau à quelque trois cents coudées de sa maison.
Comme tous les matins aussi, elle profite de ce temps de silence et de solitude, car elle vient ici avant toutes les autres femmes, pour prier et méditer. Mais, ce matin-là, elle sent monter en elle, plus fort que jamais, une prière vaste comme le monde. Elle ne le sait pas. Elle désire. Elle désire Elohim. De toute son âme, de tout son coeur, de toutes ses forces. Et elle crie dans son âme.
Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche dès l’aube,
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre sèche, altérée, sans eau.
Oui, au sanctuaire je t’ai contemplé,
voyant ta puissance et ta gloire.
Meilleur que la vie, ton amour ;
mes lèvres diront ton éloge.
Oui, je veux te bénir en ma vie,
à ton nom, élever les mains ;
comme de graisse et de moelle se rassasie mon âme,
lèvres jubilantes, louange en ma bouche.
Quand je songe à toi sur ma couche,
au long des veilles je médite sur toi,
toi qui fus mon secours,
et je jubile à l’ombre de tes ailes ;
mon âme se presse contre toi,
ta droite me sert de soutien.
Ps 63 (62), 2-10